Dans la pièce de Normand Chaurette, les rois sont tenus loin de l’échiquier, et avec eux leurs tristes manigances. Place aux reines qui, blafardes et revêches, hantent les couloirs des châteaux dans le bruissement ténu de leurs royales parures. Le souverain Edouard agonise, Londres est sous la neige et les Reines rêvent de puissance. Elles sont six, leurs voix s’exaltent, trouent le silence, se glissent entre les répliques de Shakespeare. Dépourvues de leur capacité d’agir, elles investissent un espace dont elles organisent les codes. Lourde est la fatalité sur leurs épaules mais légers sont leurs corps en équilibre sur l’Histoire. Le vertige en viendra pourtant à bout et leur chute témoigne de notre peu de prise sur le monde. Zoé Reverdin suspend ses reines comme des oiseaux princiers, les précipite dans les tourments de leur condition ou les élève au-dessus des hommes. Un spectacle qui dénonce les abus et surtout l’absurde d’un pouvoir trop convoité.